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Première phrase :
où l’on donne les règles du jeu. On écrirait un article
sur le dernier film de Lars von Trier. On saurait déjà qu’il avait
auparavant réalisé Breaking the Waves et Dancer in the
Dark, deux films intrigants, et pour certains, insupportables. La règle
du jeu – " On dirait que tu prends ça pour un jeu ",
" Essayer de te sauver la vie vaut bien un jeu " -
veut que l’on produise une explication du film, qui parvienne à rendre
compte de ce que chacun a perçu, plus ou moins clairement, mais n’a pas
lui-même pris la peine de mettre en mots (chapitres 1 à 3);
puis - c’est là que le jeu commence vraiment - énoncer une idée
inattendue qui s’impose comme par elle-même une fois qu’on l’a lue (chapitre
4 à 6). Le sommet de l’art voudrait que la forme de l’article mime en
quelque sorte le film. Que l’article devienne l’homologue du film dans l’ordre
de l’écriture, ayant une valeur poétique en soi, au point qu’il
deviendrait secondaire que le lecteur ait vu ou non le film. Le jeu est perdu
d’avance, mais qu’importe (chapitre 7).
Premier chapitre :
La position du décor, où l’on dit les choses attendues. Dogville
de Lars von Trier est une critique terrible de l’hypocrisie de la société
américaine puritaine, en même temps qu’une vision tragique de la
misère de l’humanité. C’est une allégorie dont les clés
sont assez lisibles : Tom Edison incarne l’esprit rationnel ; Grace,
la grâce divine ; les habitants de Dogville sont l’humanité :
une espèce d’anti-panthéon où cohabitent des figures-types :
l’agriculteur, les techniciens, les marchandes, l’enseignante, et le transporteur.
Auxquels il faut ajouter la classe exploitée : la handicapée
et l’aide soignante-femme-de-ménage-noire. Tous vivent sous la menace
de la loi. Même s’ils ne savent pas très bien ce que c’est, finalement,
que la loi. Ils confondent la loi avec la menace extérieure : c’est
le pénitencier qui se construit quelque part, là-bas, dans la
vallée. Lointain, mythique, à venir. Ce qui leur sert de loi est
bien plutôt un fantasme de loi, le fantasme de l’interdit et du châtiment,
qui n’existe pas tellement en dehors de leur propre imaginaire masochiste. Telle
est la loi des hommes : ni la loi morale intérieure qui en ferait
de véritables sujets autonomes kantiens ; ni la simple menace extérieure
qui en ferait des bêtes (…des chiens) : c’est plutôt le fantasme
intérieur d’une menace extérieure. Les hommes se tiennent eux-mêmes
sous le joug d’une terreur qui n’a pour origine que leur propre désir
de se faire souffrir… un peu comme… un spectateur de cinéma, au fond.
" Mais n’anticipons pas " (chap.7).
L’histoire est la suivante :
l’esprit rationnel (Tom), qui veut le bien de ses prochains, pense pouvoir résoudre
la question de bonheur à partir de la question du don. Le malheur des
hommes, analyse-t-il, ne vient pas des conditions objectives de leur misère,
mais de leur propre condition subjective, et en particulier de leur incapacité
à s’ouvrir à l’autre. Il n’y a ni portes ni murs et tous vivent
à touche touche dans un même microcosme. Tout le monde surveille
tout le monde, mais pourtant personne ne voit personne, enfermé qu’est
chacun dans son propre autisme. Une logique égoïste, où chacun
veille à son intérêt propre, coupe les hommes les uns des
autres. Elle leur permet d’établir des relations d’échanges, mais
ces échanges restent des échanges comptables, et ne constituent
pas cette véritable ouverture à l’autre qui est la capacité,
non pas tellement de donner, mais de recevoir. C’est parce que les hommes ne
savent pas recevoir qu’ils sont malheureux. " Et je vais le démontrer
par l’illustration ", dit l’intellect.
Chapitre second :
L’événement. Prenons un miracle, un événement pur :
la descente de la Grace sur Terre. (On remarquera d’ailleurs qu’elle monte,
et non qu’elle descend. Ce dont il sera rendu compte plus tard). Grace, c’est
la grâce divine, celle des Jansénistes ou des Puritains, sans raison
humaine, sans justification. La Grâce. Le pur cadeau. Le don de Dieu.
Elle est ce dont l’intellect avait besoin pour faire sa démonstration.
Cette démonstration
est ambiguë et se fait en plusieurs temps contradictoires : il s’agit
d’abord de démontrer que les hommes ne sont pas à la hauteur du
don qui leur est fait. C’est ce que montre en effet la méfiance initiale
des Dogvilliens à l’égard de Grace, ce qui constitue l’illustration
que Tom cherchait à produire. Ce premier moment étant atteint,
la démonstration s’emberlificote, l’intellect rusé s’adaptant
aux circonstances : il s’agit désormais de tirer les conséquences
de la première démonstration et d’apprendre aux dogvilliens à
être plus généreux, en acceptant ce qui leur est offert.
S’ouvre alors la période dorée (le banquet), aussi bien pour Grace
que pour Dogville, où l’on pourrait un moment croire en l’humanité,
au partage désintéressé, à l’amour. Mais la démonstration
se réoriente ensuite, au rythme des saisons, vers son objet initial :
la pseudo-menace des gangsters, puis de la loi, fait repasser de la logique
du don à celle de l’échange. Et si le don a d’abord neutralisé
l’échange, lorsque l’échange reprend le dessus, ne rencontrant
pas en face de lui un terme de même nature, il ne peut que se muer en
une exploitation aussi radicale que le don était total.
Chapitre troisième :
Analyse de la seconde partie du film. Le temps de l’exploitation. Exploitation
de la force de travail, exploitation sexuelle. Le film trace la connivence secrète
– et bien connue – entre l’ascétisme puritain et le capitalisme. Sous
couvert de " respect " et de justice, les Dogvilliens font
tour à tour subir les pires sévices à Grace, qui devient
une nouvelle Justine, pour notre plus grande indignation – mais aussi, comme
devant Guignol, pour notre plus grand bonheur. Le film a des accents franchement
marxistes lorsque l’intellect lui-même (toujours Tom) finit par succomber
à son désir, non pas de recevoir, mais d’obtenir, révélant
enfin sa vraie nature : pas l’instance objective qu’il prétend être,
mais lui-même pris dans le jeu de l’aliénation économique.
Superstructure égarée, incapable de renoncer à soi pour
être à la hauteur de ses propres ambitions. Préférant
pouvoir tenir un discours devant un public plutôt que de contempler en
silence la vérité – et incapable d’amour, qu’il ne peut d’abord
comprendre qu’en termes psychologiques, puis, finalement, trahir.
Chapitre quatrième :
La conclusion du film. Vient le temps de la sanction. Moment surprenant du film.
Dernier retournement où l’abnégation christique de Grace laisse
finalement place à une figure de Christ vengeur. " Le christianisme
n’est pas ce que vous croyez ", semble dire Lars von Trier. " Ce
n’est pas de se laisser exploiter jusqu’à la trogne "… Dans la voiture,
lorsque Grace discute avec son père, on assiste, semble-t-il, au dialogue
entre l’Ancien et le Nouveau Testament. Est-on plus ouvert à l’Autre
parce qu’on lui pardonne ses fautes ? En le pardonnant, ne lui dénie-t-on
pas sa responsabilité et donc son statut de sujet à part entière ?
La punition divine – la peine de mort – n’est-elle pas une forme de reconnaissance
de la dignité humaine malgré tout (ce que disaient Kant
et Hegel) ? Qui est " plus arrogant " ? Celui
qui pardonne au nom de la misère humaine, ou celui qui châtie au
nom de la dignité humaine ? Tel est le débat. Grace semblait
acquise au pardon inconditionnel, comme si sa dette était infinie. Mais
la voilà qui propose finalement autre chose : la question n’est
pas celle de la dignité humaine, c’est celle de la beauté du monde.
Pour que le monde soit plus beau, il faut que ce qui est laid en soit éliminé.
Il ne s’agit pas de la question de la dignité, il s’agit, de manière
pragmatique, de la construction de l’avenir. Il ne s’agit pas de punir ou de
se venger ou de faire expier les péchés : ce n’est donc pas
un retour à la destruction de Sodome et Gomorrhe. C’est plutôt
l’utilisation et l’interprétation chrétienne de la violence divine
de l’Ancien Testament. Ainsi, l’impératif kantien " Agis de
telle sorte que la maxime de ton action puisse être érigée
en loi universelle " devient – comme chez Kant lui-même – la
justification du châtiment suprême…et de l’extermination.
Ceux qui s’arrêtent
là ont tout lieu de sortir inquiétés de leur mauvais fauteuil.
Chapitre cinquième :
Où les choses deviennent confuses. Si Grace monte à Dogville,
arrivant d’un lieu inférieur, si Dieu le Père apparaît sous
les traits d’un gangster, c’est peut-être que la vision des hommes est
si déformée qu’il ne savent pas distinguer le bien du mal, ni,
donc, le haut du bas. Mais c’est peut-être aussi que Grace ne s’appelle
Grace que par antiphrase : pour mieux dissimuler sa nature véritable,
qui est une nature démoniaque. Et que son père est bel
et bien Satan. Que vient-elle faire là, cette Grace, avec ses petits
airs angéliques et sa volonté de bien faire ? Blonde et fraîche,
succube s’offrant corps et âme au milieu de la misère économique
et sexuelle ? Que pouvait-il bien lui arriver d’autre, à cette héroïne
hitchcockienne, que de se faire violer et enchaîner ? Ne le savait-on
pas dès le début ? Ne le souhaitait-on pas dès
le début ? N’est-ce pas cela, au fond que nous étions venus
voir, que nous allons toujours voir quand nous allons au cinéma ?
Bien plus que la Rédemption, Grace n’est-elle pas la Tentation même ?
Chuck, en la violant, y succombe le premier, mais il ne se laisse pas tromper
quant à la nature tentatrice de Grace: " Ce n’est pas moi qui
t’ai demandé de venir chez moi ! " lui dit-il. Le reste
n’est plus que le déroulement logique de cette victoire du vice, jusqu’à
ce que Satan vienne rafler la mise.
Intermède :
variation sur le thème précédent. La lecture diabolique
et non angélique, qui fait de Grace un démon, peut aussi prendre
la forme suivante : Grace est Satan lui-même, et le gangster
est Dieu. Ce sont les coups de feu du début qui nous l’indiquent. Ne
sont-ils pas le moment de la Chute, le moment où Dieu chasse Satan du
Ciel ? Satan, se présentant comme Grace, chassé du Paradis, tombe
alors parmi les hommes. Elle/il y accomplit son travail de tentation et mène
les hommes à leur perte – dans le respect de leur liberté bien-sûr :
comme dans " Paradise Lost " : Adam et Eve auraient
bien pu faire autrement, avec un peu plus de bonne volonté et un peu
moins de mauvaise foi. Dieu n’a plus qu’à prendre acte du fait que les
hommes ont péché, et, alors qu’il vient rechercher/relever Satan
au moment de l’Apocalypse, il laisse à celui-ci le soin de décider
du sort de ceux qu’il a perdus.
La voix du narrateur,
qui nous fait rentrer dans les motivations subjectives des personnages, semble
nous détourner de cette interprétation diabolique. Mais seulement
à condition que nous croyions qu’elle est une voix divine qui nous dit
la vérité sous la forme d’un gentil conte pour enfant. Rien ne
nous oblige pourtant à croire que ce narrateur est vérace. Surtout
dans un monde où l’on entend claquer les portes alors qu’il n’y a pas
de portes… Quelle drôle d’idée en fait, que de croire ce qui nous
est dit par la voix-off. Rien n’est " off ". Il n’y a que
nous qui soyons " off ".
Chapitre (très
bref) sixième : mais au Diable toutes ces interprétations
allégoriques ! Il ne s’agit ni de dieux ni de démons, mais
bien d’êtres humains ! Pourquoi aller chercher des significations
morales cachées ? Ne pouvons-nous pas voir seulement ce que nous
avons sous les yeux ? Les êtres humains sont toujours partagés
entre leurs préférences individuelles et les justifications morales
d’apparence rationnelle et universelle qu’ils leur donnent. Grace révèle
bien ce caractère humain lors de sa décision finale où,
à son tour, elle habille d’une justification moralisante qui ne convainc
personne, sa décision de faire abattre tous ces affreux. La phrase " Il
y a des choses qu’il faut faire soi-même ", qu’elle prononce
après avoir tué Tom, trahit qu’il s’agit d’une vengeance personnelle.
Et après tout, son père n’est rien d’autre qu’un gangster.
Chapitre septième :
qui révèle qu’on aurait bien voulu aller jusqu’à neuf comme
dans le film, mais qu’il n’y en aura que sept. Vous dites au chapitre (très
bref) précédent qu’il ne s’agit ni de dieux ni de démons,
ni de mythologie grecque, ni de parabole biblique, et qu’il s’agit d’êtres
humains. Mais ouvrez donc les yeux. Il ne s’agit pas plus d’êtres humains.
Pas plus qu’il n’y a de maisons sur cette scène, ni de portes qui claquent,
il n’y a d’êtres humains. Seulement des simulacres d’êtres humains,
rendus présents d’abord et avant tout par notre propre conviction, notre
propre volonté d’avoir foi en leur présence. Le film joue pourtant
cartes sur table en désignant l’illusion dont il procède à
coups de craie sur le sol. Mais il peut le faire autant qu’il voudra :
nous sommes avides de fictions et des traits sur le sol nous suffisent largement
en guise de maisons, d’arbres, de chien. Lars von Trier explique dans une interview
qu’à l’âge où les moyens techniques permettent de tout faire
voir, de " faire entrer un troupeau d’éléphants dans
un appartement "… ce qui l’intéresse, c’est de dénuder
la scène en se contentant de suggestions minimales. La suggestion n’a
pas besoin d’une débauche de moyens techniques, pour la raison simple
que son origine est en nous, spectateurs, plus que dans ce qui est donné
à voir.
C’est notre désir
d’être trompés qui est, non seulement mis en scène, mais
même effectivement mis en oeuvre. Illustrée, notre incapacité
à recevoir : nous voulons du sexe et de la violence, mais quand
on nous en donne, nous faisons la fine bouche. Nous voulons de l’illusion, mais
quand on nous en donne, nous la prenons pour une véritable leçon
de morale (et nous en sortons choqués). Nous cherchons le sens caché,
sans parvenir à voir ce qui est pourtant sous nos yeux. Qu’importe l’interprétation
du film. Il n’y a rien d’autre à voir que ce qu’il y a à voir.
Pourtant, ce qu’il y a à voir n’est pas un pur écran plat, mais
un complexe fait de strates multiples et d’embranchements. De même que
le décor laisse voir son caractère illusoire, de même l’intrigue
laisse voir en permanence qu’elle est " irréaliste "
(par exemple lorsque les habitants de Dogville décident de faire travailler
Grace plus intensément parce qu’ils ne la livrent pas à la police).
Mais si irréaliste qu’elle soit, nous y croyons et nous y voyons finalement
l’image de la réalité. Lars von Trier n’est pas un moraliste,
il compose avec des éléments moraux comme on dirige des acteurs
ou comme on pose des maisons les unes à côté des autres.
Il rend visible que l’intrigue est une composition, comme il rend visible les
artifices de la mise en scène. C’est pourquoi il y a finalement quelque
chose d’arbitraire dans le déroulement de l’intrigue. Nous recevons la
narration dans la linéarité et sommes tentés de la prendre
pour la seule possibilité, alors qu’elle laisse entendre en permanence
qu’il pourrait en être autrement. Vont-ils la garder, vont-ils la chasser ?
Va-t-elle les épargner, va-t-elle les tuer ? Le film ne va pas jusqu’à
tisser effectivement, comme dans Smoking/No Smoking de Resnais, la trame
des différentes possibilités, mais il s’attarde à chaque
fois assez longtemps sur le moment de l’incertitude de la décision pour
que l’on sente la possibilité de l’alternative, et qu’un autre film se
construise subrepticement dans notre tête. Ainsi le film contient ses
propres alternatives et n’oblige pas à voir uniquement ce qui, en effet,
est montré, mais un ensemble des possibilités. La question de
la leçon morale à tirer se trouve alors suspendue. Le film serait
intolérable si l’on y voyait juste l’apologie de l’extermination – même
si, par ailleurs, c’est aussi la fin la plus jouissive, la plus cruelle et la
plus drôle, tant par notre propre désir de vengeance que dans son
côté provocation politiquement-incorrecte-anti-film-hollywoodien.
De même que ce
n’est pas grave qu’il y ait ou non des maisons, de même ce n’est pas grave
que l’on adhère ou non à l’allégorie. C’est pourquoi le
film produit un effet troublant : en général, on peut suspendre
le réalisme visuel au nom du fait que ce qui compte dans le film, c’est
sa signification, et donc le caractère matériel du film peut être
stylisé : la simplification à l’extrême des moyens
techniques indique que ce n’est pas à cela qu’il faut s’attarder, mais
par exemple au message moral. Mais dans Dogville, le processus semble
s’appliquer non seulement aux éléments visuels, mais au contenu
moral lui-même. Finalement ce contenu moral est lui-même de pacotille.
C’est aussi à travers lui qu’il faut voir, pour finir par voir
le film.
Il ne s’agit donc pas
de dire naïvement qu’il faut abandonner toute interprétation au
prétexte que celles-ci brouilleraient le sens du film : il va de
soi qu’il n’y a pas de sens s’il n’y a pas d’interprétation. Mais l’interprétation
morale du film, outre qu’elle est d’emblée plurielle, n’est pas la plus
compréhensive. Le contenu moral apparent est lui-même un leurre,
un faux-semblant, à comprendre sur un mode ironique. Comme souvent pour
une œuvre d’art digne de ce nom, le juste registre de l’interprétation
est plutôt celui de l’esthétique, le film ne parlant au fond de
rien d’autre que de la question de la représentation.
Grace, ce serait donc
le film lui-même. Les habitants de Dogville, les spectateurs. Tom, la
critique qui essaye de tout expliquer (votre serviteur). Sans Tom, Grace n’atteindrait
pas les Dogvilliens : sans une tentative d’explication rationnelle, l’œuvre
d’art (le film) n’atteindrait pas le public. Mais Tom n’agit pas pour Grace,
il agit pour son propre compte, même s’il n’est pas parfaitement au clair
sur tout ça : on n’écrit pas une critique pour être
un simple médiateur effacé devant l’œuvre. Mais finalement il
n’est pas capable d’être à la hauteur. Il doit mourir pour qu’elle
(l’œuvre) devienne elle-même. Mais elle-même ne parvient finalement
pas à exister de manière pure. Elle ne parvient pas plus à
atteindre les hommes que les hommes ne parviennent à l’accueillir. Ce
n’est pas seulement misère de l’homme sans Dieu, mais aussi misère
de Dieu sans les hommes. Misère des hommes qui ne savent pas accueillir
l’œuvre d’art, misère de l’œuvre qui ne sait pas rendre les hommes accueillants.
L’échec des Dogvilliens à accueillir Grace est aussi l’échec
de Grace à rester " pleine de grâce ". Elle
devient l’une d’entre eux. Et, simultanément, ils cessent d’être.
La rencontre - entre les hommes et la Grâce/entre les spectateurs et le
film - ne peut se faire que dans la négation de ce que chacun est. Manière
de dire que cette rencontre ne peut pas se faire. Au bout du compte, moral ou
immoral, vrai ou illusoire, bête ou intelligent, on crève tous!

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