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Echos d'un avenir passé...
1. Film d'action
et de suspense, d'anticipation ou de science-fiction, Matrix est
en effet un pur produit commercial. Le récit de sa promotion
auprès de la presse française, dans Libération
par Olivier Séguret, donnait carrément envie de l'ignorer.
La logique commerciale de son lancement rendait son "succès"
auprès du public tellement inéluctable, qu'on n'avait
pas envie d'y aller pour se donner ne serait-ce que l'illusion de
résister, de ne pas suivre dans le rêve d'un même
sommeil tous les spectateurs de la planète.
Le tournage d'un Matrix II est,
dit-on, déjà en chantier. Le troisième ne manquera pas
de faire suite et on ne sait à combien ça s'arrêtera. Les
rééditions en vidéo (et/ou en DVD) ne manqueront pas de
suivre. Les fans de Keanu Reaves et de la charmante "Trinity" (Carie
Ann Moss) pourront se faire des soirées pizza-et-Matrix en enchaînant
les épisodes à la file, en anticipant le dénouement des
scènes et les répliques des personnages. Certes. On n'est pas
obligés d'en être...
Et pourtant le film vaut le détour.
Pour peu qu'on s'y laisse prendre... En fait, le tapage promotionnel, d'une
part, et le faux débat sur l'incitation à la violence qu'il suscita
(à cause de sa contigüité, en Amérique, avec de très
macabres faits divers..) d'autre part, ce furent deux facteurs pour que "l'actualité"
du film masque en quelque sorte la dimension pertinemment actuelle de ce qu'il
donne à penser. Selon une nécessité obscure, justement,
il se trouve que c'est ce type de films - ceux qui assument la logique économique
du divertissement à l'échelle planétaire, qui parviennent
à atteindre par l'application de leur recette, une sorte de spectateur
universel - qui prennent quelquefois, avec acuité, une rigoureuse mesure
des transformations de ce que nous appelons "monde" à l'époque
des cyber-technologies. Etant donné qu'il s'agit d'un processus en cours,
qui à la fois dépasse et suscite l'anticipation imaginaire (il
la suscite parce qu'il la dépasse justement), il est logique qu'il y
ait plus d'un Matrix, qu'il y ait une suite...(pas seulement d'un point de vue
commercial). Le rapport du monde aux "nouvelles technologies" est,
en effet, une affaire à suivre, à tous les sens du terme... Une
tâche pour la pensée... Et en tant que le cinéma est à
la fois un opérateur et un bénéficiaire éminent
des nouvelles avancées technologiques, il n'est guère étonnant
qu'il aménage le lieu pour une telle pensée, et qu'il la provoque.
Il ne s'agit pas seulement d'anticipation imaginaire, le film calcule à
une hauteur mythologique les conséquences de la virtualisation du monde
et dans le monde...
2. Pour comprendre l'intrigue
de Matrix, pour comprendre le conflit qu'il dramatise, les enjeux et les moyens
de l'action, il faut avoir à l'esprit le vocabulaire ordinaire de l'informatique.
Plus précisément de toutes ces fonctions nouvelles, introduites
dans la vie quotidienne par la diffusion et l'utilisation massive des logiciels
de traitement de textes et d'images, de recherche, de montage, de communication,
de jeu, de navigation. ...."Initialisation", "formatage",
"saisie", "sélection", "téléchargement",
"réception", "envoi", "connexion", "site",
"ligne", "codage secret", "virus", "clé",
"cyber-pseudonymie", etc... autant de mots dont l'usage quotidien
des machines à intelligence artificielle aura précisé un
sens usuel, un contenu opératoire concret. C'est la ressource aujourd'hui
dont nous disposons pour rendre compte de la réalité de l'action
dans l'espace virtuel de la télécommunication. Toutes ces opérations
sont "virtuelles" mais elles n'en sont pas moins réelles :
les fonctions des logiciels deviennent des schèmes selon lesquels les
coordonnées d'une certaine réalité sont désormais
calculées. La fusion prochaine de l'espace télévisuel avec
celui du web, d'une part, le perfectionnement des moyens de reproduction et
de communication de données, d'autre part, sont en train de bouleverser
avec une force sans précédent les notions sur lesquelles reposent
nos orientations fondamentales sur ce qu'est la réalité, et sur
ce que "réalité" veut dire. Sur le monde et sur ce que
nous appelons "monde"... Et un film tel que The Matrix est l'hyperbole
de sa virtualisation.
Il précipite et accélère
les enjeux de cette sorte de catastrophe que la révolution télétechnologique
fait vivre aux catégories qui fondent la réalité de notre
position existentielle. Le film en prend acte comme d'une compromission. La
virtualisation est une perte du monde. Il réalise l'idée de cette
perte. La proposition cinématographique consiste à l'accréditer
d'une part, mais aussi à figurer, d'autre part, à imaginer le
programme d'un possible salut, d'un remède. Keanu Reaves incarne le personnage
du sauveur élu. Son pseudonyme d'internaute et de "hacker"
informatique est Neo, - anagramme parfait de ce qu'il est appelé à
devenir dans le scénario : "the one", l'élu... "The
one" se traduit à la fois comme "l'un", et comme "celui
qui..." - "celui qui est l'un". Attribut principal du Dieu de
l'Ancien Testament... Comme si le cinéma attestait ainsi le travail d'une
certaine responsabilité (coupable) (coupable en fin de compte devant
Dieu) qui lui viendrait de la conscience confuse qu'il a de participer lui-même
au processus de virtualisation généralisée... Le film met
en scène, d'une part, un monde totalement aliéné dans son
image, - une image dont l'espace est totalement confondu avec celui de la réalité
: une image qui n'est donc plus image mais l'immanence même d'un monde
contrefait. Et il invente en effet, d'autre part, une histoire d'élection
et de mission salvatrice qui consiste pour l'essentiel dans le rétablissement
de la différence entre réel et virtuel... (différence dont
la perte de vue représente, dans une certaine mesure, la perte du monde
lui-même). Matrix est à l'opposé de ce qu'on croit pouvoir
identifier comme film "réaliste" et pourtant, il est littéralement
obsédé par la question du "réel". Il est une
fable au sujet du "réel". C'est du contenu donné aux
mots "world" et "real" que procèdent sans doute et
l'intention du film et toutes les décisions du scénario et de
la "réalisation"... On peut croire en effet que toute l'inventivité
de la fiction de Matrix est subordonnée à cette tâche logique,
d'assurer la possibilité de cette différence réél/virtuel,
(la possibilité que quelqu'un dise, sérieusement, à quelqu'un
d'autre (Morpheus à Neo): "Wellcome to the real world"...)
3. L'expérience quotidienne de l'écran
des ordinateurs ne manque pas d'engendrer ce fantasme. Au point où nous
en sommes aujourd'hui, on croit tenir la limite empirique du virtuel et du réel.
Pour l'instant, c'est l'ordinateur qui représente le seuil, la frontière
rassurante entre ces différents modes de réalité. Le virtuel
commence, pense-t-on, et s'arrête là : à la surface de l'écran.
Mais c'est à croire que cette frontière, si problématique
soit-elle, est elle-même vouée à s'effacer. Elle l'est depuis
longtemps, effacée, dans l'imaginaire anticipateur de la science-fiction.
Son effacement est à l'oeuvre à chaque fois dans l'expérience
du spectateur de fiction cinématographique ou du joueur dans un jeu vidéo.
L'apparition virtuelle en trois dimension, sans l'intermédiaire de l'écran
cathodique ou des cristaux liquides, nous est annoncée pour bientôt.
Le virtuel est peut-être technologiquement maîtrisable, mais il
affole totalement la notion de lieu.
Matrix accélère encore plus cet
affolement. La "matrice" en est la projection narrative : ce n'est
pas seulement la fiction d'un monde à l'intérieur duquel adviennent
les avancées les plus extrêmes de la technologie du virtuel; "la
matrice" est le lieu virtuel dans lequel ce monde prend place lui-même,
comme une sorte de double du monde. C'est difficile à concevoir en effet.
Pour l'accréditer, le film y consacre plus de la moitié de son
temps.
Sa force de persuasion réside en ceci qu'il
prend appui sur l'évidence la plus banale de l'expérience. Par
exemple, cette certitude (précaire dès que l'on y pense) dans
laquelle chacun, en se réveillant le matin, croit s'assurer de la distinction
entre l'éveil et le sommeil, se retrouve lui-même, se sent vivre,
et sent hors de lui qu'il y a quelque chose et non pas rien. L'évidence,
aussi familière que possible, d'avoir un corps, par exemple, - ce ne
serait que l'effet d'un enchaînement complexe de signaux, visuels, olfactifs,
auditifs, tactiles, dont rien ne peut jamais prouver qu'ils sont en correspondance
avec autre chose, qu'ils sont suscités par quelque chose d'extérieur
au système perceptif qu'ils constituent. Ce que j'appelle "mon corps"
est un phénomène sensible. Le truchement par lequel je prends
corps à mes yeux, le moyen par lequel le monde prend corps à son
tour je n'en sais rien. Il suffit d'y penser un peu, pour que le fait que je
vive, là où je me vois et me sens vivre, devienne ce que les philosophes
appellent "un préjugé". Le film s'accrédite précisément
à la faveur de cette faille...
4. Qu'est-ce donc que "la matrice"?
Rien d'autre que ce que chacun perçoit de soi même, de la présence
des autres, et des choses. Ce qui nous entoure, ce que nous voyons, ce qui nous
regarde - c'est "la matrice". En tant que décor, dans le film,
elle est en tout point, visuellement conforme à la réalité
urbaine de notre monde occidental. Mais elle n'est pas seulement un décor,
elle est responsable du vécu le plus intime, le plus invisible. Elle
est l'histoire dont je me crois l'héritier, le goût du steack que
je mange, l'arôme du tabac que je fume, la sueur qui perle sur ma peau,
l'odeur dont mes narines sont remplies, la fraîcheur des arbres, l'air
que je sens venir dans mes poumons, la femme que mes yeux suivent, - la "réalité"
de tout cela, c'est l'effet des signaux de mon cerveau parfaitement objectivables,
calculés, reproductibles. "La cuiller n'existe pas". Ce qui
existe c'est le signal "cuiller" qui la rend réelle à
mes yeux, dans ma main, dans ma bouche... L'ensemble des signaux sur lequel
je fonde mon sentiment d'être là, et d'être au monde, ce
film les nomme "La Matrice". Et justement, c'est de ce type de "signaux"
que la technologie aujourd'hui travaille à se rendre maître: elle
travaille à rendre virtuellement reproductible l'expérience sensible
de la réalité, à maîtriser donc le "signal"
dont dépend ce qui existe à nos yeux, à nos mains, à
se rendre maître de tous les sens et dans tous les sens...
C'est ainsi que le film analyse le désir
technologique qui caractérise notre époque. Il vous suffirait
à présent d'imaginer que cette maîtrise totale sur la réalité
sensible représente non pas l'avenir de la puissance télé-techno-scientifique,
mais son passé : qu'elle aurait donc déjà eu lieu, et vous
aurez à l'esprit non plus seulement un fantasme d'anticipation sur le
devenir du monde dans lequel nous vivons, mais un mythe au sujet de son origine.
Le propos du film est lisible à la fois comme une prophétie :
voilà ce qui va advenir. Et en même temps comme une cosmogonie:
la révolution technologique a déjà eu lieu, - ce que nous
appelons "monde" est un site virtuel, créé, entretenu
et dominé par les Machines, dans lequel nos corps et nos consciences
vivent aliénées dans leurs clones numériques. Cette coincidence
ou cette indécision entre prophétie et cosmogonie font jouer l'idée
de temporalité : l'avenir et le passé reviennent au même.
Ce que le spectateur perçoit comme anticipation (de l'avenir), le film
le raconte comme origine (passé). L'essor technologique contemporain
engendre donc cette idée a première vue aberrante : notre avenir
a déjà eu lieu. Ce qui nous attend c'est notre passé...
Cette aberration est peut-être le virtuel même...
5. C'est en ceci que le film est intéressant
pour nous, et non pas en tant qu'objet esthétique que les amateurs de
John Woo jugent (peut-être à juste titre) inférieur aux
chorégraphies meurtrières du maître de Hong-Kong. Ce n'est
donc pas les scènes capitales de mitraillage et de marbre pulvérisé
en éclats, pas plus que la pluie de douilles qui nous intéressent.
Mais plutôt la fable qui aménage à ces scènes d'action
leur moment opportun, et un sens dans la dramaturgie. On tire sur des créatures
virtuelles et potentiellement indestructibles. C'est l'impuissance des armes
à feu qui semble donnée ici en spectacle : l'impossibilité
de tuer; l'impossibilité d'anéantir des créatures qui n'ont
pas (plus) d'être - des créatures virtuelles dont l'être
justement est une pure force de domination et de destruction.
On tire, en fin de compte, sur des machines, sur
les agents spéciaux de leur puissance, aussi immatériels que des
esprits, qui revêtent l'apparence humaine sur leurs corps numériques,
comme pour mieux démontrer qu'ils sont invulnérables. Tout se
passe comme si le film mettait en équation le mal radical avec l'invulnérabilité.
Comme si le devenir invulnérable était la finalité même
du programme technologique. Et ce que nous appelons devenir, le film le présente
comme un fait accompli: le règne du virtuel c'est le règne de
l'indestructible, le règne de l'invulnérable. Le mal radical est
l'esprit même des machines. Par conséquent, la violence qui se
déchaîne à l'écran - longuement préparée
par l'élaboration narrative du sens du combat et de son enjeu, - est
immédiatement interpétée comme une violence messianique,
théologique. Comme si l'essor technologique contemporain rendait plus
que jamais nécessaire ce qu'on pourrait appeler : l'hypothèse
"Dieu"...
6. Ce qui dans Matrix fait image de "réalité
mondaine" est amené à apparaître comme un gigantesque
camp de télé-déportation dans lequel les déportés
vivent dans l'ignorance complète de leur condition. Ils vivent en entretenant
l'illusion de connaître l'époque du triomphe technologique du génie
humain... La réalité est une illusion maîtrisée.
Seule la Machine, les machines, sont réelles... Parce qu'elles sont pensées
ici comme l'instance qui domine ce que chacun appelle "réalité"...
Le réel - c'est les machines (qui rendent les hommes et les femmes incapables
de penser justement le lieu où il se trouvent, encore moins de le nommer).
En imaginant "la Matrice", comme fable au sujet du réel, les
frères Wachowski, mettent en scène une vision très inventive
et fascinante d'un hors-monde, d'un lieu depuis lequel on peut voir comment
se fait l'encodage démiurgique de la réalité mondaine.
De ce point de vue là, "le monde", c'est-à-dire la matrice,
apparaît comme des suites numériques sur des écrans d'ordinateur.
Lignes et colonnes de nombres. La réalité du monde est donnée
aux hommes, comme à un personnage l'univers de son film...
Et il est tout aussi impossible pour nous, vous
et moi, de penser ce lieu hors monde, dans lequel les machines opèrent
l'encodage de la réalité, que pour un personnage de sortir du
monde fictif dans lequel il apparaît, désire, agit, et meurt. L'initiation
de l'élu commencera par là. On l'arrachera de la matrice pour
le faire renaître, en lui faisant observer la différence entre
son corps réel et son clone numérique. C'est seulement après
qu'il pourra voir qu'un monde virtuel aura remplacé le monde réel.
Et la substitution semble conforme finalement au désir de ceux qui s'y
trouvent, puisqu'ils ne savent plus, ne peuvent ni ne veulent savoir ce qu'il
en est. Nul ne souffre ni ne se passionne au sujet du "réel",
sauf une poignée de hackers, sortes de terroristes informatiques aux
noms (tendance "techno") Morpheus, Cypher, Trinity, Apoc, Switch,
Mouse, qui font en quelque sorte figure d'initiés au secret de la matrice.
Persécutés, ils déjouent les lois du système. Poignée
d'apôtres en attente et à la recherche de leur élu : Neo...
Ainsi, pour se soustraire à la puissance
du virtuel, et pour mener combat contre "la matrice", il faut être
un hacker. L'avenir est donc aux terroristes informatiques. Ces nouveaux criminels
seront les nouveaux gardiens du "réel", les seuls et derniers
témoins du monde tel qu'il était avant cet événement
technologique qui l'aura fait disparaître pour le remplacer. C'est-à-dire
témoins finalement du "monde" tel que Dieu l'aura créé...
tel que Dieu l'aura garanti (comme dans les méditations de Descartes).
Aucun film ne démontre mieux le caractère théologique de
la technologie...
7. Matrix entretient un rapport avec les
thèmes les plus anciens, aussi anciens que l'Occident, sur lesquelles
se jouent les variations diverses de la question de l'éveil et du songe,
de la vision et de l'hallucination, du réel et de l'apparence, de l'artifice
et de la vérité. En un sens il reste, donc, rigoureusement métaphysique,
mais justement sa nouveauté par rapport à la tradition, disons
de Platon à Descartes et à Calderon, réside dans la mise
en jeu de la question du réel à partir de l'expérience
contemporaine du jeu vidéo, de l'écran interactif, des prothèses
technologiques du corps humain. Les machines occupent la place du malin génie
de Descartes. Comme hypothèse technologique, le Dieu trompeur serait
le maître du virtuel. Toute la topique occidentale sur le monde comme
lieu de l'illusion, sur la vie comme songe, trouve ici une reformulation fabuleuse
inédite. Tout se passe non pas au-delà du miroir, comme dans Alice,
nommée d'ailleurs explicitement dans le film, mais ici et maintenant.
L'au-delà du miroir commence non pas à la surface du miroir, mais
sur les bords du trou de la prise téléphonique. L'au-delà
du miroir, le monde fantastique, n'est pas comme l'on croit, derrière,
de l'autre côté, mais de ce côté-ci - là où
ça sonne, là où ça communique...
8. Que le monde ne soit rien d'autre qu'une
illusion méconnue, un piège technologique, "une matrice",
cela n'est nullement improbable et n'a, en fin de compte, rien de trop fantastique
ni d'extravagant, dès lors que le lieu de la matrice, le lieu de sa maîtrise
domine tout le champ du vécu. Le piège technologique se serait
établi là précisément où se constituent les
dimensions de l'espace et du temps, donc toutes les coordonnées réalitaires
de l'expérience. Tout ce que l'on voit, sait, et sent autour de nous
et que nous appelons "monde" pourrait bien ne pas être "real"
(à prononcer en anglais), dès lors que les Machines qui en sont
responsables empêchent de voir l'origine de la vision, elles interdisent
à l'illusion d'être décodée comme illusion, à
l'oeil de se voir lui-même. Les machines dans cette hypothèse fictive
constituent "le monde" et le surveillent avec la même discrétion
et la même efficacité que nous-mêmes : nous recommençons
cela tous les jours sans voir ni sans savoir d'où ni comment nous procédons.
Or, justement, le rêve que ce film rend tangible, la pensée que
ce rêve dramatise et diffracte, c'est la sortie, ou l'entrée, la
frontière en tout cas de l'espace-temps fondateur de l'expérience.
Condamné à l'immanence, le monde n'aura jamais cessé de
figurer son dehors pour communier avec lui...
L'énonciation du film, en son moment initial,
est figurée comme une pénétration de la caméra dans
le trou d'un O. Chiffre, lettre, ou tout simplement graphème minimal
du trou qui donne vers un extérieur impensable... Le trou de la sortie
et/ou de l'entrée... La ligne d'un téléphone qui sonne
ailleurs...
9. Post-Scriptum.
Cette question ne cessait pas de me hanter depuis que j'ai découvert
ce film : comment passe-t-on d'un film tel que Bound, (le premier, à
ma connaissance, des frères Wachowski) à celui-ci, à Matrix....?
- Par le téléphone, bien sûr... Voilà le lien...
Le dictionnaire est aussi très éclairant
:
bound :
1. (litt.fig) limite, borne...
2. bond, saut...
3. verbe: bondir
4. prétérit du verbe bind : attaché, relié (pour
un livre), obligé, tenu, destiné...

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